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Le paradoxe de l’autocorrection : pourquoi ne voyons-nous pas nos propres erreurs ?

  • mariannelecul
  • 22 mars
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 11 avr.

Pourquoi, quand vous êtes tranquillement en train de faire vos courses au supermarché, cette faute vous saute aux yeux, alors votre collaborateur vous a gentiment fait remarquer la veille que le mail envoyé à votre plus gros client contenait une belle coquille ?




C’est un phénomène fascinant qui touche presque tout le monde que l’on peut appeler :

« le paradoxe de l’autocorrection ». Alors pourquoi ?


La cause est à rechercher dans les mécanismes cognitifs :

Des études en neurosciences cognitives montrent que lorsque nous relisons nos propres textes, les zones cérébrales associées à l’analyse critique sont moins actives que lorsque nous lisons le texte de quelqu’un d’autre. Notre cerveau entre dans un mode de « reconnaissance » plutôt que d’ « analyse ».

Tout d’abord à cause de la « familiarité excessive » : notre cerveau traite notre propre texte comme un contenu déjà connu, ce qui modifie la manière dont nous le lisons. Plutôt que d’adopter une lecture analytique et attentive, nous basculons dans un mode de lecture prédictif : le cerveau anticipe les mots et les structures sans les examiner en détail. Cette automatisation entraîne une moindre vigilance face aux erreurs, qu’elles soient typographiques, grammaticales ou de cohérence.


Ce phénomène est particulièrement problématique lors de la relecture d’un texte que nous avons nous-même écrit. Parce que nous en connaissons déjà le sens et l’intention.

Nous subissons alors ce qu’on appelle des biais de confirmation : nous lisons ce que nous pensons avoir écrit plutôt que ce que nous avons réellement écrit. Le biais de confirmation est un phénomène cognitif qui influence notre manière de percevoir et d’interpréter l’information en fonction de nos attentes et de nos croyances préexistantes. Quand nous relisons notre propre texte, notre cerveau ne traite pas chaque mot individuellement avec une attention égale. Au contraire, il cherche à confirmer l’idée que nous avons bien formulé nos pensées de manière correcte et cohérente. Cela le conduit à ignorer les erreurs ou à les corriger inconsciemment pendant la lecture mentale, sans que nous en ayons conscience.

Par exemple, si une phrase contient un mot manquant ou une faute d’orthographe, notre cerveau peut la « réparer » automatiquement en la lisant comme elle devrait être, et non comme elle est réellement écrite. C’est ainsi que des fautes pourtant évidentes peuvent nous échapper, même après plusieurs relectures.

Ce biais est une des raisons principales pour lesquelles il est si difficile de corriger ses propres écrits avec précision, même avec un œil entraîné.


D’autre part, lorsque nous écrivons, notre cerveau doit jongler entre deux dimensions essentielles :

  • Le fond : la structuration des idées, la cohérence du raisonnement, la fluidité du discours.

  • La forme : l’orthographe, la grammaire, la syntaxe, la ponctuation.

Plus nous mobilisons de ressources pour organiser nos idées, moins il nous en reste pour contrôler la correction linguistique. Lorsqu’on écrit, la priorité est souvent donnée au fond, ce qui relègue la vigilance orthographique au second plan.

Nous pouvons appeler ce phénomène : « la charge cognitive partagée » limitant les ressources attentionnelles disponibles pour la détection d’erreurs.

Ainsi, certaines fautes passent inaperçues non pas par manque de connaissance des règles, mais parce que notre attention est principalement absorbée par la production du contenu. Ce phénomène explique pourquoi il est fréquent de retrouver des erreurs que l’on ne ferait pas en dehors d’un contexte d’écriture active.

Notre cerveau filtre les informations pour éviter la surcharge. La cécité au changement est un phénomène cognitif qui se produit lorsque notre cerveau filtre inconsciemment certaines informations jugées non essentielles afin d’éviter une surcharge cognitive. Ce mécanisme d’économie mentale nous empêche de remarquer des modifications, même évidentes, dans un environnement ou dans le cas qui nous concerne dans notre texte.


Alors, quelles stratégies mettre en place pour surmonter ce paradoxe ?


Adoptez la distanciation temporelle : laissez reposer votre texte avant relecture (plusieurs heures ou jours si vous le pouvez)

Essayez la modification du format : changez la police, la taille ou la couleur du texte pour créer une « nouveauté » visuelle

Pratiquez la lecture à voix haute : cela engage d’autres circuits cognitifs pour traiter l’information

Faites relire votre texte par une personne non impliquée dans la rédaction qui n’a pas cette familiarité avec le texte et détectera plus facilement les changements et les erreurs.

ET ENFIN ET SURTOUT : faites appel à un lecteur-correcteur professionnel humain !

Un logiciel est un outil utile, mais limité : il ne comprend ni les nuances, ni l’intention d’un auteur. Seul un correcteur humain allie la rigueur de la langue à la finesse de l’interprétation, assurant ainsi un texte irréprochable et fidèle à votre pensée. N’oublions pas que l’écriture, en tant que forme codifiée du langage, est une spécificité humaine.

Faire relire son texte par un correcteur professionnel, c’est s’assurer d’une correction bien plus efficace que celle d’un logiciel. Pourquoi ? Parce que l’humain perçoit ce que la machine ne voit pas. Un correcteur ne se contente pas d’appliquer des règles : il envisage le contexte, analyse, détecte, affine …



Pour approfondir ce sujet spécifique, je vous recommande particulièrement :

Pétillon, S. et Ganier, F. (2006) La révision de texte. Méthodes, outils et processus. Langages n°164.

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